Danielle Laurin

Deux mondes irréconciliables

Qui a dit que la littérature devait être rassurante ? Malaise. Malaise grandissant à la lecture du premier roman de Laura T. Ilea, Montréalaise d’origine roumaine, auteure d’un recueil de nouvelles et de plusieurs essais.

Incertitude devant le titre, d’abord. Les femmes occidentales n’ont pas d’honneur. À prendre au pied de la lettre ? À entendre de façon ironique ? À lui seul, ce titre résonne comme une provocation. À l’image du roman lui-même ? Pas si vite.

Une femme, un homme, à Montréal, de nos jours. La trentaine. Ils vont tomber dans les bras l’un de l’autre. Relation amoureuse enivrante, sexe torride. Passion dévorante. Et impossible.

On est du côté de la femme, dans sa tête à elle : c’est elle qui raconte après coup. Le paradis, puis l’enfer quelle a vécu avec lui, disons, pour résumer grossièrement. Le manque, la douleur. Le sentiment d’abandon, d’impuissance.

Si ce n’était que ça. L’abnégation, le renoncement à soi-même, à ses valeurs. La victimisation volontaire. L’aveuglement devant le dénouement pourtant prévisible, catastrophique… Jusqu’où une femme peut-elle aller par amour ? Laura T. Ilea va très loin dans l’exploration de tout cela.

Là où elle fait un pas de plus, et c’est annoncé dès le début en fait, c’est que la femme en question est occidentale et l’homme kabyle. Ce que ça change ? C’est toute la question qui est posée.

À tous les scénarios d’amouravorté qu’on peut imaginer se superpose ici le mur d’incompréhension entre deux cultures. Deux façons opposées de considérer les relations entre hommes et femmes s’affrontent.

Que peut l’amour, que peut une femme occidentale devant un homme aux prises avec le poids de traditions ancestrales et la mainmise familiale ? Quel poids dans la balance à côté de la promise qui attend en Algérie, cette jeune vierge avec qui il est entendu que l’homme fondera une famille à Montréal…

« Il ne me demandait pas du temps pour qu’il puisse arranger les choses, note la narratrice. Non, ce qu’il voulait n’était rien d’autre que d’accepter la fatalité. Sa fatalité. Sa femme et lui étaient prédestinés. »

Pour lui, aucun doute, tout est possible. Une fois marié, bien établi avec sa femme dans leur logement montréalais tout équipé, rien ne l’empêchera de continuer de voir en douce sa maîtresse.

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